mardi 31 janvier 2012

A table !

Il arrive parfois que l'on sente un creux. Juste au-dessus de la ceinture. Vous savez, ce petit truc qui vous tord le bide en grondant et ne va pas en s’arrangeant. C'est humain. Ça arrive.
Cela peut arriver en regardant un film à l'eau de rose, ou le ciel, ou un chat, ou tout simplement en se baladant. Oui, parfois nous avons besoin d’une douceur, et nous avalons la première saveur qui passe. C'est humain, on est comme ça.

J'aimerais vous en parler de cette faim qui fait tourner les têtes… mais plutôt qu'un long discours, laissez-moi vous conter cette recette : Celle de la purée de patate.
Ayant souvent dégusté, je la connais par cœur.

Attention, je ne parle pas de banales patates, celles instantanées et aussi vite oubliées qu'un coup de foudre; non, je vous parle de la vrai purée de patates, celle nécessitant du temps, de l'envie et un certain appétit.

Donnez-la à votre cordon bleu préféré

  • Tout d'abord, il faut choisir de bons produits. Les meilleures patates sont celles cultivées avec patience et amour. Prenez donc soin de les récolter quand elles ont la taille parfaite. Arrachez-les alors de leur milieu et mettez-les au panier.

Ensuite, rien de plus simple.
  • Commencez par une bonne douche froide, pour bien récurer les patates. Puis, avec un économe, pelez-les, morceau par morceau. Délicatement. Prenez votre temps surtout, il ne doit rester que les chairs.

Astuce : en cas de partie incrustée dans la patate, utilisez la partie pointue de votre lame. Plantez la profond, et tournez autant que nécessaire. Voire ajoutez quelques coups de poignée pour être bien sûr. Il ne doit rien rester.

  • Une fois les patates à « vif », plongez-les dans une bassine pour achever le travail. Maintenez-les sous l'eau, Un peu comme si vous étiez un agent de la CIA, puis videz le liquide par la fenêtre.

Astuce : si vous n'avez pas de fenêtre, une cuvette de toilette fera l'affaire.

  • Réservez vos patates dans un coin et posez votre mouchoir dessus, il ne faudrait pas qu'elles prennent l'air, ce n'est pas encore le moment.

  • Réchauffez l'atmosphère avec une bonne marmite d'eau bouillante que vous aurez préalablement salé (Le sel ayant cette avantage de réveiller les sens ; mettez-en sur une plaie... vous verrez).
  • Jetez enfin vos patates sans ménagement dans le bouillon et attendez.

Astuce : Si une patate cherche à s'enfuir, stoppez là d'un coup de talon. Elle ne mérite que ça.

  • Pendant toute la cuisson, ne restez pas à côté du liquide frémissant. Jetez-y juste un coup d'œil de temps en temps, dédaigneusement, pour être sûr que les patates ne vous oublient pas (se serait dommage de rater le final après temps d'effort)
  • Pour savoir si les patates sont prêtes, asticotez-les d'une ou 2 piques régulièrement. Dès qu'elles ne résistent plus sous vos assauts... c'est prêt.
  • Débarrassez-vous de l'eau.

Astuce : si vous n'avez toujours pas de fenêtre, utilisez le caniveau.

  • Chargez votre presse-purée avec les patates et tournez, tournez, tournez. Vous pouvez sourire pendant l'opération, oui oui, vous pouvez.
  • A ce point, les patates devraient facilement se désagréger. Sinon, forcez un peu ; ou mieux, faites-le à deux.

Astuce : ne moulinez pas trop fin ; l'amoureux du plat trouve toujours plus savoureux de tomber sur un morceau de patate rescapée et le finir d’un rictus.

  • Ajoutez un peu de crème épaisse pour adoucir et donner l'envie d'y revenir. (Sont-elles folles ses patates.)
  • Assaisonnez à votre goût et servez chaud à vos amis, votre famille, le monde entier... ou toute autre personne auprès de qui vous voulez briller.



Et voilà, c'était la recette du jour ; mais je ne vous apprends rien. Vous en avez sûrement déjà dû en avoir dans votre assiette, la dégustant avec d'autant plus d'intérêt que votre faim n'avait pas de fin. Vous avez même dû demander du rab.
Oui, nous avons tous déjà rencontré de grands chefs, sachant manipuler à la perfection l'eau et les patates.
Et si vous pensez que je me trompe, remplacez simplement ses 2 ingrédients par espoir et sentiments

mardi 10 janvier 2012

L'apocalypse selon Saint Nicolas

La nuit vient achever cette sombre journée d'hiver. Elle n'est pas la seule à être tombée.
Quelques âmes errent encore dans les rues poussées par un vent glacé. Les pesantes étoffes, engonçant ces passants, gonflent dans la tourmente, imitant le difficile périple des voyageurs trainant leur charge.
Derrière eux s'essaiment quelques morceaux tombés d'un drap. L'espace d'un instant, un tronc apparaît. Bien vite, une main gantée agrippe le linceul et le remet en place d'un coup sec. Le funeste cortège disparaît au coin d'une rue, ne laissant pour tout souvenir que quelques extrémités finissant de crever sur l'asphalte.

La scène rappelle le millénaire dernier, avec ses lépreux agonisant par millier. Partout les mines sont comme les épaules, alourdit par la gravité. Il règne dans l'air une atmosphère étrange. Délétère. Comme un lendemain de fête. Les sourires ont disparus, la joie aussi ; Ne reste que le désordre, le chaos. L'immense tâche de faire ce qui doit être fait, même si personne ne veut s'en charger.
Les rues sont pleines de cadavres s'alignant sur les murs. Une mince toile cache ce qui reste de leur dignité. Ce n'est pourtant qu'un luxe inutile, personne ne regarde ceux qui ne sont plus. Pas un ne veut les regarder. Ceux-ci ont fait leur temps. Ils appartiennent au passé. D'autres viendront, prendront leur place... mais pas tout de suite...

Chaque foyer a eu sa perte, parfois même deux ou trois. Certaines familles ont voulu repousser l'inévitable... mais tout a une fin. Il y a peu, ceux qu'ils charrient maintenant ouvraient encore grand leurs bras, dans un élan d'amour, ils avaient encore la force de se parer d'atour, de briller, d'être. Cela n'est plus. Ils sont maintenant délaisser, déjà oublier, broyé par la volatilité des souvenirs. Ils prennent place avec les poubelles et leurs lots d'éphémères.

La seule peine qui étreint leurs proches est celle dévorant les bras qui les portent. Le dernier mot à celui tombé est un râle, juste un souffle emplit de colère contre ce qui n'est plus qu'un poids mort. Oublier les temps heureux, ne reste qu'une masse sèche, envahissante, inutile, emplissant les mains d'un père, d'un fils...

A la vitre de leur chambre quelques enfants pleurent, ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas pourquoi celui qui leur a inspiré tant de joie doit s'en aller. Ils l'aimaient tant. Pourquoi cette branche cassée de la famille doit traîner sur le trottoir ? Attendre un Charon de passage ? Finir dans une fosse commune avec d'autres victimes anonymes de l'hécatombe ?
Les maisons se remplissent alors d'images, d'allégories, de semi-vérités, tandis que des mères acculées expliquent alors ce cycle qui fait l'existence ; que ce qui a été doit finir un jour.
D'autres parent préfèrent mentir, contourner la difficulté, sourire de cette blanche hypocrisie grimant parfois les adultes ; Ils choisissent de faire disparaître le corps morceau par morceau, alimentant une cheminé avide. Celle-ci craque, vocifère, repousse difficilement le vide laissé dans la maison. L'air se charge alors d'une odeur reconnaissable entre toute... mais ce sont les moins nombreux.

En cette triste période, la majorité de la population préfère les charrier en dehors du foyer. Gonfler les cimetières improvisés.
Les autorités se charge de cette catastrophe naturelle comme ils se sont occupé des autres. Les plans sont déjà arrêté. Les équipes déjà entraînées. A défaut de corbillard, déjà des camions sillonnent la ville pour les récupérer.
Les linceuls s'entassent. Glissent. Cascadent dans un bruissement de plastique à chaque arrêt. Ils ont fait leur temps, leurs offices. Ils n'ont maintenant plus droit à un seul égard. Jusqu'à l'année prochaine.
Car après tout, que serait Noël sans son sapin.








Bonne année à tous