mardi 10 janvier 2012

L'apocalypse selon Saint Nicolas

La nuit vient achever cette sombre journée d'hiver. Elle n'est pas la seule à être tombée.
Quelques âmes errent encore dans les rues poussées par un vent glacé. Les pesantes étoffes, engonçant ces passants, gonflent dans la tourmente, imitant le difficile périple des voyageurs trainant leur charge.
Derrière eux s'essaiment quelques morceaux tombés d'un drap. L'espace d'un instant, un tronc apparaît. Bien vite, une main gantée agrippe le linceul et le remet en place d'un coup sec. Le funeste cortège disparaît au coin d'une rue, ne laissant pour tout souvenir que quelques extrémités finissant de crever sur l'asphalte.

La scène rappelle le millénaire dernier, avec ses lépreux agonisant par millier. Partout les mines sont comme les épaules, alourdit par la gravité. Il règne dans l'air une atmosphère étrange. Délétère. Comme un lendemain de fête. Les sourires ont disparus, la joie aussi ; Ne reste que le désordre, le chaos. L'immense tâche de faire ce qui doit être fait, même si personne ne veut s'en charger.
Les rues sont pleines de cadavres s'alignant sur les murs. Une mince toile cache ce qui reste de leur dignité. Ce n'est pourtant qu'un luxe inutile, personne ne regarde ceux qui ne sont plus. Pas un ne veut les regarder. Ceux-ci ont fait leur temps. Ils appartiennent au passé. D'autres viendront, prendront leur place... mais pas tout de suite...

Chaque foyer a eu sa perte, parfois même deux ou trois. Certaines familles ont voulu repousser l'inévitable... mais tout a une fin. Il y a peu, ceux qu'ils charrient maintenant ouvraient encore grand leurs bras, dans un élan d'amour, ils avaient encore la force de se parer d'atour, de briller, d'être. Cela n'est plus. Ils sont maintenant délaisser, déjà oublier, broyé par la volatilité des souvenirs. Ils prennent place avec les poubelles et leurs lots d'éphémères.

La seule peine qui étreint leurs proches est celle dévorant les bras qui les portent. Le dernier mot à celui tombé est un râle, juste un souffle emplit de colère contre ce qui n'est plus qu'un poids mort. Oublier les temps heureux, ne reste qu'une masse sèche, envahissante, inutile, emplissant les mains d'un père, d'un fils...

A la vitre de leur chambre quelques enfants pleurent, ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas pourquoi celui qui leur a inspiré tant de joie doit s'en aller. Ils l'aimaient tant. Pourquoi cette branche cassée de la famille doit traîner sur le trottoir ? Attendre un Charon de passage ? Finir dans une fosse commune avec d'autres victimes anonymes de l'hécatombe ?
Les maisons se remplissent alors d'images, d'allégories, de semi-vérités, tandis que des mères acculées expliquent alors ce cycle qui fait l'existence ; que ce qui a été doit finir un jour.
D'autres parent préfèrent mentir, contourner la difficulté, sourire de cette blanche hypocrisie grimant parfois les adultes ; Ils choisissent de faire disparaître le corps morceau par morceau, alimentant une cheminé avide. Celle-ci craque, vocifère, repousse difficilement le vide laissé dans la maison. L'air se charge alors d'une odeur reconnaissable entre toute... mais ce sont les moins nombreux.

En cette triste période, la majorité de la population préfère les charrier en dehors du foyer. Gonfler les cimetières improvisés.
Les autorités se charge de cette catastrophe naturelle comme ils se sont occupé des autres. Les plans sont déjà arrêté. Les équipes déjà entraînées. A défaut de corbillard, déjà des camions sillonnent la ville pour les récupérer.
Les linceuls s'entassent. Glissent. Cascadent dans un bruissement de plastique à chaque arrêt. Ils ont fait leur temps, leurs offices. Ils n'ont maintenant plus droit à un seul égard. Jusqu'à l'année prochaine.
Car après tout, que serait Noël sans son sapin.








Bonne année à tous

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laisser une petite bafouille, cela fait toujours plaisir !!